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Début de carrière

Le Point.fr - Publié le 23/06/2012 à 17:53 - Modifié le 25/06/2012 à 21:43
Bonne route, Jeannie !
L'athlète la plus titrée de l'histoire du sport français ne participera pas aux JO de Londres, cet été. Et tout le monde semble ravi.


Jeannie Longo ne s'est pas qualifiée pour les JO de Londres. © Denis Charlet / AFP

Ils voulaient sa peau, ils l'ont eue. Jeannie Longo met pied à terre. En tout cas, elle ne sera pas sur les routes londoniennes cet été, pour les Jeux olympiques. La Grenobloise n'a pas réussi à glaner son soixantième titre national, lors des championnats de France de cyclisme à Saint-Amand-les-Eaux. Seulement cinquième du contre-la-montre et douzième de l'épreuve en ligne, la cycliste de 53 ans n'ira pas rouler à gauche sur les routes britanniques, puisqu'elle n'a pas rempli les critères fixés par la Fédération française de cyclisme (FFC) pour être conviée. Une FFC qui n'a pas la reconnaissance du ventre et qui se réjouit de la fin du règne de la Grenobloise.

Car, ne nous égarons pas, c'est le cyclisme féminin qui doit tout à Jeannie Longo. Pas l'inverse. Jeannie Longo doit ses 59 titres nationaux, ses 13 couronnes mondiales et ses quatre médailles olympiques aux interminables heures de labeur inhumain qu'elle s'inflige depuis plus de trente ans. Pas à une Fédération ingrate qui n'a pas eu un mot pour saluer sa plus grande ambassadrice. Rien. Bien au contraire, ce sont des quolibets, des réactions indignes aux regards des valeurs du sport, qui se sont égrenés lors de ces championnats de France. "On a viré la vieille !" Voilà ce qu'on pouvait entendre du côté de Saint-Amand-les-Eaux, jeudi, après les championnats de France du contre-la-montre. Ces fois-ci, spectateurs, parents d'athlète et dirigeants du cyclisme français chantaient tous en choeur.

"Une magnifique nouvelle !"

Loin d'émouvoir les officiels, cette passation des pouvoirs semble ravir les dirigeants du cyclisme français. "Ce qu'il faut retenir, c'est l'avènement d'une nouvelle génération. Une magnifique nouvelle !" se réjouit Isabelle Gautheron, la directrice technique nationale. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est la fin d'une époque, celle d'une athlète hors norme. Et peut-être aussi l'incompétence de dirigeants qui semblent plus aveuglés par leur irrépressible envie de se débarrasser de la "vieille" Longo que désireux de préserver l'intégrité et la pérennité de leur discipline.

À titre de comparaison, lors des derniers championnats de France de natation, c'est une émotion incomparable qui a envahi les bassins dunkerquois quand Alain Bernard a échoué dans sa quête des JO de Londres. Le président de la Fédération nationale de natation, au bord des larmes, ne réussissait pas à masquer son émotion, alors que l'ensemble des athlètes saluaient le parcours du champion olympique du 100 mètres. Idem lors des retraites des Marie-José Pérec, Fabrice Santoro, Arnaud Clément et bien d'autres. En matière de sport, il est de coutume de s'incliner - ou à défaut de respecter - la longévité des athlètes. Et d'autant plus quand les performances sont au rendez-vous.

Alors, certes, Jeannie Longo n'est pas l'athlète la plus avenante qui soit ou celle qui inspire le plus de sympathie. Aucune raison particulière à cela si ce n'est son mode de vie, sobre, sans fioriture et loin des exercices de communication auxquels sont rodés les plus jeunes sportifs. Une athlète authentique, en somme.

Une cabale contre Longo

Pourtant, celle qui semblait si impassible et froide d'apparence a vu sa carapace mise à mal ces derniers mois. En cause, des défauts de localisation (pour les contrôles antidopage inopinés) et surtout la mise en examen de son mari, Patrice Ciprelli, pour importation de substances dopantes. À la suite de ces affaires, c'est toute la mécanique de la championne qui s'enraye. Le rôle de la FFC n'y est pas non plus étranger, même si cette situation contraint nécessairement l'instance du cyclisme français à la plus grande prudence.

Jeannie Longo est d'ailleurs revenue sur les obstacles qu'elle a dû franchir avant les championnats de France 2012, expliquant que la FFC s'était acharnée sur elle, multipliant vexations et bâtons dans les roues. Le président de la FFC, David Lappartient, toujours dans l'inélégance la plus totale, a tenu à expliquer que "Jeannie Longo mélangeait tout", que la Grenobloise "avait besoin d'un bouc émissaire" et que les "règles étaient les mêmes pour tout le monde". David Lappartient a raison. Le sport a parlé et il faut rendre hommage aux deux nouvelles championnes de France : Pauline Ferrand-Prevot (contre-la-montre) et Marion Rousse (course en ligne) - ce à quoi Jeannie Longo s'est évidemment pliée. Il aurait pourtant été d'usage d'en faire de même avec celle qui reste sur une quatrième place lors du contre-la-montre des Jeux olympiques de 2008. À 49 ans !

Alors, avec la retraite de Jeannie Longo - qu'elle n'a d'ailleurs pas officiellement annoncée -, ce n'est pas simplement le cyclisme qui perd, c'est l'ensemble du sport français. Sauf que le monde du vélo n'a pas l'air de s'en rendre compte. Rendez-vous donc à Londres dans un premier temps. Puis, dans trente ans, pour voir où en est le cyclisme féminin...